Bleu, rouge, orange, jaune, autant de nuances que l’esprit peut en imaginer.
C’est ici, dans la salle des Droits de l’Homme et de l’Alliance des Civilisations que cet imposant plafond inspire ceux qui se réunissent périodiquement pour débattre, partager, changer ce monde. Nous sommes là, assis, stressés, surpris, à l’aise pour certains, un peu moins pour d’autres, et tour à tour, nous posons nos yeux intrigués sur cette œuvre d’art suspendue au dessus de nos têtes et enfin nous réalisons. Nous sommes là, à FerMun, certains viennent de loin, d’autres habitent tout près d’ici, mais chacun pose émerveillé, ses yeux fatigués qui depuis tôt ce matin luttent pour ne pas se refermer. Ce plafond nous trouble et en attendant que la cérémonie commence et entre deux accolades et présentations, nous nous perdons entre les rainures sinueuses de ce tableau en relief, exposé entre ciel et terre. C’est là que nous nous trouvons en vérité. Entre une terre, fracassée et malmenée, et un ciel, qui fait rêver les plus distraits d’entre nous.
C’est ici que nous pouvons espérer faire la différence, dans cet endroit qui nous réunit tous, français, grecs, hongrois, anglais, italiens, espagnols, ivoiriens, américains, ukrainiens, marocains, kenyans, néerlandais, suisses, allemands, turcs, égyptiens entre une terre en souffrance et un ciel, symbole d’un idéal inaccessible de paix et de calme. Puis nous plissons nos yeux encore pour mieux sonder les détails dont regorge cette toile géante. Des creux, des bosses, des éclaboussures, des taches, des stalactites irrégulières. L’artiste, Miquel Barceló a su, en superposant un nombre incalculable de couches de peinture, en créant un maillage assez résistant pour retenir dans les aires cette massive voûte de plus de 30 tonnes, mouvoir en nous, un sentiment étrange de communion avec cette « nature » aux allures sauvages qui a nécessité plus d’une vingtaine d’assistants pour enfin voir le jour en novembre 2008. Il est difficile de savoir si nous nous trouvons assis sous une mer colorée ou sous une montagne bizarre, mais tout ce que nous pouvons assurer avec fermeté, c’est que cette immense plafond de 1,500m² anime en nous un fort sentiment de mouvement perpétuel et de calme bruyant qui nous a pour la plupart touché.
Nous sommes comme ce plafond, disparates et pourtant unis, de continents différents, semblables à ces couleurs qui s’entremêlent pour au final fonder une toile harmonieuse, nous sommes comme ces courbes et piques, nous n’abordons pas le monde de la même façons, et nos points de vues peuvent parfois différer ; mais nous nous retrouvons tous unis dans la même lutte : celle de faire de cette terre un « every mans land » un endroit où nos homologues et nous même pouvons espérer vivre en paix et concorde. On annonce dans les micros qu’il faut reprendre nos places, alors rapidement, nous nous frayons un passage dans les allées, puis nous attendons que tout commence. Nous applaudissons K. Bartsch, écoutons les divers orateurs, et quand nous entendons parler de « l’égoïsme destructeur » dont nos nations font souvent preuve, nous somme ému d’apprendre que c’est en nous, jeunes, que le monde fait ici confiance pour sortir des lignes et faire entendre nos voix. Un orateur parle de nous comme d’ « esprits éclairés et capables » nous somme touchés et en levant nos yeux, quelque peu gênés, nous reposons encore une fois nos yeux sur ce plafond et ces mots là prennent alors du sens.
Les discours s’enchainent, Nour, cette élève de Casablanca se lève comme un ange dans sa robe blanche, pour nous interpréter un morceau de Debussy, nous nous laissons bercer, et nos yeux, vagabondant encore se posent une dernière fois sur ce mystérieux plafond dont nous ne connaissons maintenant que les couleurs et reliefs et qui pourtant semble nous parler, dans une langue que nous peinons à maitriser, et dont l’apprentissage nous passionne : la langue d’un monde plus uni, celle que nous tenterons de parler durant toute cette conférence. Puis les deux enfants de classe CM1, nous parlent, tout tremblants de cette cause qui nous rassemble, « qui n’a pas de frontières ». Ils nous rappelle une fois encore, que « demain, si rien ne change, nous serons tous touchés » par le dérèglement de notre monde. Ils parlent d’eux même comme de « futurs citoyens » et quand nous les applaudissons pour leur belle vidéo « Monsieur tout le monde », nous avons simplement envie de leur dire qu’il sont déjà citoyens, et que leurs voix qui résonnent encore dans nos oreilles, « Monsieur, j’ai mal au monde […] que faisons nous de la planète bleue ? » nous ont touchées.
Le témoignage de Claude Zerez nous a émus. Son amour et sa reconnaissance, sa douleur, sa voie ferme et grave, ses mots durs, mais vrais, des mots que nous avions besoin d’entendre nous ont encore une fois troublés. Il a foi en Dieu, en nous, et si il nous a parlés aujourd’hui, c’est pour nous alarmer, nous parler d’un monde qui existe et que nous ignorons. Nous sommes nés ici, et lui là bas, et c’est peut être ça qui nous a ébranlés. Aujourd’hui « il témoigne pour ouvrir le yeux du monde », nous partage un message d’amour et de paix, nous appelle au pardon, nous incite à la tolérance et nous demande de mettre un terme à cette « sale guerre ».
Les discours s’enchaînent encore, et une fois chacun levé et prêt à partir pour l’aventure que FerMun nous offre cette semaine, les mots de Kennedy, élève Kenyan, reviennent en nos esprits : « en tant qu’êtres humains nous nous devons d’avoir de grandes ambitions ». Bleu, rouge, orange, jaune, autant de nuances que l’esprit peut en imaginer . C’est ici, dans la salle des droits de l’homme et de l’alliance des civilisations que cet imposant plafond inspire ceux qui se réunissent périodiquement pour débattre, partager, changer ce monde, ces gens là sont ambitieux, inspirés, passionnés, conscient. Ces gens là, c’est nous. Alors avec nos différences, nos points de vues, nos espoirs et engagements, soyons ensemble acteurs du changement.
Emma Sordes