Madaya, ville martyre

Lundi dernier un convoi humanitaire pénétrait enfin dans la ville de Madaya.

L’opération a pu être réalisée suite à la diffusion massive d’images sur internet ces dernières semaines, montrant l’horreur de la vie au sein de la commune assiégée de Madaya en Syrie, à la frontière du Liban. Ce partage non censuré d’une ville presque fantôme a suscité une vive réaction rapidement devenue internationale dans les médias et sur les réseaux sociaux, ce qui a permis aux ONG d’enfin agir. Depuis juillet 2015 l’armée syrienne et le Hezbollah libanais ont pris le contrôle de la ville de 40 000 habitants, minant les terres agricoles aux alentours et contrôlant l’entrée de vivres aux portes de Madaya. Les militaires corrompus revendent ainsi la nourriture à des prix exorbitants. Ces dernières semaines le kilo de farine aurait atteint les 90€.

Ces mesures ont entraîné une famine extrême ; selon Médecins sans frontières (MSF) depuis le premier décembre 2015, 28 personnes dont six enfants sont mortes de faim. Le patron des opérations humanitaires de l’ONU, Stephen O’Brien a annoncé que l’ONU avait demandé l’autorisation au gouvernement syrien d’évacuer 400 civils particulièrement malades, souffrant principalement de malnutrition. Le début de l’hiver, accompagné par la chute des températures a considérablement aggravé la situation ; ces dernières semaines la population ne mangeait plus que des chats ou des chiens errants ou de l’eau mélangée à peu d’épices. Les rares centres de santé et médecins n’ont eux plus de médicaments et doivent donner comme seul remède, de l’eau salée à leurs malades. Le représentant du Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés Sajjad Malik, depuis Damas, a déclaré « Ce que nous avons vu est assez horrible, il n’y avait pas de vie. Tout était très calme. Des rapports crédibles disent que des personnes sont mortes de faim. »

Face à l’urgence de la situation (le dernier convoi acheminé par une institution humanitaire datait d’octobre), lundi dernier, le Croissant-Rouge syrien, le Comité internationale de la Croix-Rouge et les Nations Unies ont distribué des vivres au sein de la ville. Selon l’ONU, uniquement 10% des convois d’aides humanitaires obtiendraient un droit d’entrée dans les lieux assiégés en Syrie. Ce droit ne dépend en effet pas des associations mais d’un accord politique conclu entre puissances armées. Une autre difficulté réside dans l’acheminement des denrées ; la famine est sujet de tensions. Le 7 janvier dernier, une distribution de vivres à Madaya avait manqué de se transformer en mutinerie.

Selon les Nations Unies, près de 400 000 Syriens sont aujourd’hui assiégés dans tous le pays, dont une grande majorité par les djihadistes de l’organisation Etat Islamique (EI) principalement à l’Est du pays. Un peu moins de 200 000 civils seraient sous l’emprise du régime. Le 25 janvier une rencontre entre représentants du régime et les rebelles est organisée par l’ONU où l’organisation compte relancer les négociations entre les rebelles et le régime. Les négociations s’annoncent difficiles, le régime niant la situation. L’ambassadeur syrien Bachar Jaafari a même déclaré « aucun civil n’était mort de faim à Madaya » s’opposant une nouvelle fois à l’authenticité des images. Pourtant, la vision de ces enfants squelettiques aux regards vides, annonçant qu’ils n’ont pas mangé depuis cinq jours, ne peut que hanter et donner la volonté de réagir.

Julia Lazarus

Sarah Ben Ammar